WHAT IF #8 : LA SERIE KINGS-LAKERS DE 2002

En NBA, les légendes sont légion. Loin de concerner seulement les joueurs, les légendes se retrouvent également dans certains matchs, qui ont marqué l'histoire du jeu par leur issue, la performance qu'ils cachaient ou les rivalités qui pouvaient s'y affronter. Plus qu'un match, la série entre les Sacramento Kings et les Los Angeles Lakers à l'occasion des playoffs 2002 reste elle dans les coeurs de tous les fans NBA comme l'une des grandes énigmes de la Grande Ligue.

Crève-coeur, injustice, complot, honte, mafia, on a tout entendu au sujet de ladite série. Et pour cause. Alors que les Kings menaient la série 3-2 contre les Lakers de Kobe et Shaq en quête d'un nouveau titre, les Lakers remporteront au final la série en 7 matchs. Si sur le terrain les Lakers ont bel et bien gagnés, la manière dont se sont déroulés les matchs 6 et 7 laisse les fans des Kings, et plus largement la planète basket, pour le moins dubitative. La cause ? Les officiels de ces rencontres, et les décisions qu'ils ont pu avoir lors de cette fin de série. Entre les 34 lancers-francs accordés aux Lakers dans le seul 4ème QT du game 6, et la faute sifflée à Mike Bibby alors que Kobe lui enfonce son coude dans les narines jusqu'au cerveau pendant le game 7, les Kings se sont vus privés pour beaucoup d'une potentielle Finale NBA, qu'ils auraient potentiellement remporté. Devant des coups de sifflets rarement autant critiqués, unanimement ou presque, par les fans de basket et de NBA, des questions se sont forcément posées sur l'intégrité des officiels pendant la série, et sur l'influence ou non des bureaux de la Grande Ligue sur le nom final du vainqueur de la série.

Les Kings, suite à cet épisode ô combien douloureux pour leur franchise, ne retrouveront jamais les couleurs qu'arboraient alors leur équipe, et s'enfonceront doucement dans une crise tout au long des années 2000. Les Lakers de leur côté profiteront de ces péripéties pour accéder aux Finales et remporter un nouveau titre, qui viendra parachever un three-peat si rare et si symbolique dans l'histoire de la NBA.

La théorie du complot ne sera probablement jamais confirmée, et fera à tout jamais partie de la légende de ce jeu. La série entre les deux franchises californiennes contient son lot d'interrogations et de polémiques, même des années après, par exemple lorsque l'un des arbitres retiré de la NBA nous dit l'air de rien que les coups de sifflets de 2 de ces collègues lui paraissaient bien étranges (l'hôpital qui se fout de qui déjà?). Même si l'histoire ne peut être rétablie et que la vérité reste celle d'une victoire des Lakers, chacun a déjà imaginé ce qu'il serait advenu des Kings, des Lakers et des playoffs 2002 si toute cette affaire n'avait jamais eu lieu.

Aujourd'hui, vous l'aurez deviné, on s'attaque à cette série de playoffs tristement célèbre pour les uns, pleine de joie pour les autres. En route pour nouvelle série entre Lakers et Kings, ambiance playoffs 2002, Californie, bad boys, coups de sifflet, et vrai basket. 

What if... les arbitres de la série Lakers-Kings en 2002 avait laissé place au vrai jeu?

Les Kings sont en position idéale. En tête 3-2 face aux Lakers, les Kings sont en train de faire kiffer les spectateurs NBA.

Depuis un petit moment maintenant, ceux-ci ont les fans dans leur poche, du moins une bonne partie. En cause ? Le style de jeu pratiqué, très up-tempo, qui a su mener la franchise au sommet des bilans de saison régulière en cette saison 2001/2002, avec la bagatelle de 61 victoires et un statut de favoris à l'approche des playoffs. Mais les Kings font aussi grincer des dents dans les hautes sphères de la Grande Ligue. En cause ? L’ex-bande de Jason Williams, transféré pour Mike Bibby à l’intersaison, de Chris Webber and co détonne par son style de jeu, certes, mais aussi par son style en dehors du terrain, son ambiance, ses joueurs, leurs caractères. Dans une NBA que les instances dirigeantes aimeraient rendre plus lisse, plus bankable, forcément, Sacto dérange. Pourtant, force est de constater que niveau balle orange, on a plutôt ici une équipe pleine de talents : Mike Bibby, Doug Christie, Peja Stojakovic, Chris Webber, Bobby Jackson et les autres, on a déjà connu pire roster.

En face d'eux se dressent les Los Angeles Lakers, qui tentent alors de décrocher le second three-peat de leur histoire, menés de main de maître par le grand Phil Jackson et par un duo star Shaquille O'Neal-Kobe Bryant qui plane sur la NBA depuis quelques années maintenant. Pour tout ce qui est bankable ici, on est servis largement. Mais les Lakers ce n'est pas que ça, on ne décroche pas un back-to-back juste avec des strass et des paillettes. Le jeu des Lakers orienté sur leur axe fort O'Neal-Bryant fait mal à n'importe quelle équipe depuis près de deux ans, et cette saison encore.

L'historique récent entre les deux franchises rajoute à tout cela un brin de rivalité : les Lakers restent en effet sur deux victoires en playoffs contre Sacramento, dont un sweep en 2001. Ambiance garantie.

Pourtant dans cette finale de conférence, les Kings mènent bel et bien face au double champion en titre, avec deux chances de conclure la série et de filer en Finales NBA. Après l’exploit au match 3 d’infliger leur premier défaite lors de ces playoffs 2002 à la franchise de LA, qui plus est dans la salle de ces derniers, au match 4 les Kings ont pris un coup sur la tête lorsque que Robert Horry envoya un missile en tête de raquette pour fixer le sort du match et valider une victoire des Lakers ce soir-là leur permettant d’égaliser. Mais loin de se désunir, Sacto a su se ressaisir et remporter le game 5 notamment grâce à Mike Bibby, d’un petit point suffisant dans un match très disputé et rugueux : la roue tourne et les Kings reprennent l'avantage 3-2 dans la série.

Le jeu pratiqué par les troupes de Rick Adelman depuis le début de la confrontation reste dans la même veine que le jeu pratiqué au long de la saison, et les Lakers n'arrivent à s'ajuster que partiellement au jeu up-tempo des Kings. Divac essaye de limiter l'impact d'O'Neal tant bien que mal, l’association Bibby-Webber est étincelante et tient tête au duo Kobe-Shaq, et Doug Christie, Stojakovic et autres Turkoglu répondent eux aussi présents. Si du côté Angelinos le pivot des Lakers dominent statistiquement, bien aidé par Kobe, les Kings répondent collectivement.

Ainsi se pose le contexte du match 6, qui se déroule au Staples Center, avec l'espoir pour les Lakers de recoller à 3-3 dans la série et l'opportunité pour les Kings de conclure cette série entre voisins, chez le voisin, peu importe la manière employée.

La première mi-temps est à l'image de la série. Les Kings continuent avec leur jeu up-tempo et le duo Bibby-Webber continue de livrer une performance de haut rang (et non d'Alexandrie), les Lakers de leur côté continuent de servir le gros Shaq au poste et de forcer autour de leur axe dominant Kobe-Shaq. Webber salit violemment la feuille de match (15pts et 9reb déjà) pour permette aux Kings d'être en tête de 2 petits points à la mi-temps. A la reprise, le 3ème QT maintiendra le suspens, malgré le fait que les Lakers virent en tête à la fin de cet acte d'un petit point. L'issue du match se déterminera lors du 4ème et dernier acte, et on se dit alors que les choses vont commencer à tourner.

Sacto est pris d'une forte fièvre dans les premières minutes de ce 4ème QT, motivés par plusieurs stops défensifs obligeant les Lakers à forcer leurs tirs. Les Kings déroulent leur jeu en transition et commencent par infliger un 9-0 à leur voisin en 2 minutes, notamment grâce au pistolero Stojakovic. Phil Jackson arrêtera l’hémorragie d’un temps mort, mais il faudra plusieurs minutes à ses joueurs pour se remettre dans le coup défensivement et pour revenir à 3pts de leur adversaire, portés cette fois par un Kobe qui préchauffe pour le moneytime.

On se rapproche en effet de ce fameux moneytime. Légende bien connue des playoffs et de la NBA, ce moment sacré est celui où les paniers comptent double et les erreurs coûtent chères, ou tout semble être une affaire d’application, de concentration, de sang-froid. Il faut appliquer les consignes, laisser faire les grands joueurs, se battre partout, tout le temps, défendre comme jamais, attaquer avec lucidité, etc, … Mais parfois, l’improvisation, le talent de certains joueurs, un coup de chaud, un coup de sang, un coup de chance, un coup de p*te, un coup de soleil peuvent faire pencher la balance du moneytime en faveur d’une équipe ou d’une autre. Ce soir-là, c’est un coup de sifflet qui annoncera la couleur de cette fin de match.

Sur une attaque des Lakers, Kobe et Shaq amorcent un pick’n’roll côté gauche, défendus par Divac et Christie. Kobe passe son coéquipier mais se heurte à Divac, prenant le risque d’une sortie haute sur l’arrière de LA pour gêner la pénétration de ce dernier. Kobe force l’impact à l’épaule ; Divac s’écroule. Coup de sifflet.

Dans le moneytime, chaque coup de sifflet emporte avec lui son lot de conséquences, de débats, de réactions des joueurs et du public. Les joueurs se retournent alors vers l’homme responsable de ce coup de sifflet. Le geste de l’arbitre est clair : offense de Kobe, balle Kings. A ce moment-là, les Kings sont à +3, et il reste moins de 4 minutes à jouer. A la vue du geste de l’arbitre, Divac resté à terre affiche un large sourire en direction de Kobe, et en se relevant en profiter pour haranguer la foule. La température augmente de 15° instantanément dans toute la Californie.

Au ralenti, la faute de Kobe est difficilement contestable. Vlade Divac joue parfaitement le coup en mettant en plus en application ce qu’il a pu apprendre au cours de son stage intensif au Cours Florent deux ans auparavant. Si le Staples Center est entré en fusion avec la provocation de son ancien pivot, les Kings savent se nourrir de cette ambiance hostile.

Sur l’action qui suit, Doug Christie vient planter un lay-up au contact du gros Shaq sans trembler en transperçant la défense des Lakers, encore occupée à contester le coup de sifflet précédent. Avec ce panier, les Kings passent à +5 à 3 minutes du terme. Surmotivés par cet élan d’animosité à leur encontre, les Kings vont s’arracher sur la défense suivante où C-Webb parvient à arracher la balle des mains de Shaq sur une tentative de fixation intérieure. Les Kings, maîtres du jeu de transition, concluent l’action en trois passes et prennent un avantage de 7 pts. On pense alors que la victoire est acquise pour Sacramento, qui vient de creuser un léger mais décisif écart à ce moment-là de la rencontre. Mais penser que la série est d’ores-et-déjà bouclée alors que se tiennent en face d’eux les Lakers, double champion en titre, serait la pire faute que pourrait commettre Sacramento.

Phil Jackson arrête le jeu et recadre ses troupes. Le Zen Master reste impassible mais laisse entrevoir dans le son de sa voix et la clarté de ses consignes que le moment est venu de se sortir les doigts d’un organe particulièrement prépondérant chez le Shaq. Les Lakers ont moins de 2 minutes pour réaliser le casse du siècle. A la reprise du jeu, sur un drive de Kobe, ce dernier trouve seul de tout marquage Robert Horry qui plante une banderille à 3 pts dans le corner face au banc des Kings. Les souvenirs du match 4 ressurgissent instantanément dans la mémoire des fans de Sacramento. Les Lakers ne sont plus qu’à 4 pts et le Staples Center continue de pousser derrière ses joueurs. Pourtant les Kings ne déjouent pas et restent maîtres de leur basket. Divac est trouvé au poste haut et trouve un backdoor d’école avec Turkoglu : le basket facile. Les minutes s’écoulent et Sacramento encaisse les coups sans broncher, mais sans oublier d’en rendre. LA n’arrive pas à rattraper son retard : Kobe force ses tirs, Shaq loupe ses lancers, et les Kings gèrent le jeu comme rarement une équipe a pu le faire face à ces Lakers. Sacramento gardera ainsi sa fragile avance jusqu’à la sirène finale.

Double champion en titre, les Lakers tombent contre les Kings. Aux yeux de la majorité des observateurs, ceux-ci était simplement l’équipe la plus forte dans cette opposition. Après un sweep sans pitié un an auparavant, les Kings parviennent enfin à vaincre leur voisin et à s’adjuger le trône de la Californie et de la conférence Ouest. La bande de Sacramento détonne par son jeu et par l’état d’esprit qu’elle dégage. Rien n’a réussi à arrêter les Kings dans leur route jusqu’en Finales NBA, pas même un double champion NBA qui comporte dans ses rangs l’un des plus forts duos de l’Histoire de ce sport. Mais la marche la plus haute reste à franchir et les choses sont loin d’être terminées pour les troupes de Rick Adelman.

Les Kings retrouvent en Finales NBA la franchise des New Jersey Nets avec le maestro Jason Kidd à la baguette. Les Nets, tout comme les Kings, ont fini en tête de leur conférence avec un bilan de 52 victoires. Affiche de premiers de la classe, West Coast contre East Coast. Les Nets ont eu un parcours relativement calme lors de ces playoffs, triomphant des Boston Celtics 4-2 lors des Finales de conférence. Pourtant, malgré le fait que ces Finales 2002 opposent les deux premiers de chaque conférence, l’effervescence n’est clairement pas à la hauteur de l’évènement.

Le problème est qu’en cette année 2002 l’écart de niveaux entre les deux conférences est énorme. La conférence Ouest domine son homologue de l’Est de la tête et des épaules, et l’issue des Finales NBA ne fait que peu de doutes. Même si les Nets ont récupéré Jason Kidd lors de leur dernière intersaison, ils restent clairement en dessous des Kings de Sacramento. Pour beaucoup d’observateurs, la réelle affiche des Finales avait été disputée au tour précédent lors de l’affrontement entre ces mêmes Kings et les Lakers. Le sujet n’était pas de savoir si Sacramento allait gagner, mais plutôt de savoir en combien de matchs le feraient-ils.

Toutefois, des Finales NBA restent des Finales, qui se jouent et se gagnent. Chose que les deux équipes savent très bien. Inconsciemment ou non, les Kings vont pourtant se faire surprendre lors du premier match de ces Finales. Les Nets, jouant totalement libérés paradoxalement à l’enjeu, viennent griller la politesse aux Kings et s’adjugent le premier match de cette confrontation sur le parquet de Sacramento. Surclassés dans l’intensité et dans la maîtrise du ballon, pourtant deux de leurs points forts, la bande à Bibby s’inclinent de 8 pts contre un J-Kidd magistral distillant 15 passes décisives dans ce premier acte.

Vexés, humiliés chez eux, la franchise californienne va rapidement rectifier le tir et cette première victoire des Nets sera finalement la seule que les californiens accorderont à la côte Est. Les quatre matchs qui suivent vont être l’occasion pour la conférence Ouest de confirmer sa domination sur la NBA actuelle, par l’intermédiaire de Kings qui repartiront victorieux de chacun des matchs, en terres ennemies ou à la maison, en imposant leur style si séduisant à base de jeu rapide, de transition, de maîtrise du balle et parachevé par un collectif des plus huilés. Ajoutez à tout cela le soutien indéfectible d'un public littéralement en fusion tout au long des playoffs, et vous obtenez là le tableau d'une franchise qui vit un rêve éveillé. Les Kings repartent ainsi avec la couronne et le trophée tant convoité. Chris Webber est logiquement désigné MVP des Finales, lui qui a montré aux yeux de tous à la fois son incroyable énergie et son immense talent lors de toute la campagne de playoffs jusqu’en Finales, cumulant 24.5pts et 11.7 rebonds par match de moyenne.

Si le trophée Larry O’Brien reste en Californie, il a pourtant changé de crèmerie pour atterrir dans la franchise de Sacramento. Longtemps dans l’ombre de son voisin de Los Angeles, Sacramento connait désormais son heure de gloire et entre dans l’Histoire NBA. La franchise qui a suscité tant de critiques en coulisses par son attitude et son image de méchants garçons est désormais sur le trône du basket américain. Jusqu’au bout, les Kings sont restés fidèles à leurs principes et valeurs, tant sur le plan basketballistique qu’humain. Jusqu’au bout, jusqu’à la photo officielle de l’équipe entière avec leur nouvelle couronne, où toute l’équipe se fendra d’une pose désormais mythique devant le trophée Larry O'Brien.

Si l’attitude est une chose critiquable, le basket pratiqué par Sacramento lui ne peut pas l’être, par personne. Niveau basket, les meilleurs ont gagné tout simplement. Et c’est mieux comme ça.

Gros talent de montage chez What if !

Gros talent de montage chez What if !

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