WHAT IF … LE POIGNET DE RAY ALLEN TREMBLE EN 2013 

2013, Finales NBA Spurs-Heat. Les Spurs mènent 3-2 et mènent également de 5pts à 28 secondes de la sirène du game 6, à 28 secondes d'un titre sur les terres floridiennes. L'ambiance est pesante au sein de l'American Airlines Arena. La bande à LeBron va échouer, c'est quasiment sûr. Les Spurs connaissent leur basket, ils ont l'expérience des grands rendez-vous, l'expérience d'un groupe, ils savent quoi faire et quand le faire. Tim Duncan a 37 ans mais court comme un jeune de 21 ans en ce soir de game 6. Tony est bien là aussi, tout comme Manu, héros du game 5 qui a précédé.

28 secondes. La balle est en jeu. Tir forcé de BronBron mais rebond off de ce dernier, qui ne se fait pas prier cette fois et transforme : 95-92. Puis arrive l'action que tout le monde connaît, que tout le monde a vu, que les fans des Spurs ne veulent pas revoir mais que les fans du Heat eux ne se lassent pas de revoir.

Les Spurs sont à +3. Pop ne demande pas la faute, ses joueurs écoutent. Le Heat joue. Tir, loupé. Rebond offensif de Bosh. La balle se retrouve dans les bains de Ray Allen qui recule dans le corner, TP revient pour contester. Ray Allen tir, et score. - de 5 secondes. Tony loupera le dernier panier.

La suite ? Le Heat ira chercher la victoire dans un game 7 et renversera le cours de l'Histoire en s'imposant face aux aux Spurs qui menaient pourtant 3-2 et qui étaient en route pour boucler un 4-2 à 28 secondes près.

Forcément, l'action relatée plus haut est celle qui, encore aujourd'hui, soulève son lot de questions. Pourquoi Popovich n'a pas demandé à ses joueurs de faire faute pour avoir le dernier ballon ? Comment les Spurs ont pu redonner une balle à Miami à ce moment-là du match ? Pourquoi Bosh s'est retrouvé seul et a eu l'intelligence de la décaler à Allen ? Pourquoi il fallait que ça arrive dans les mains de Ray Allen ?

En même temps, qui d'autre aurait été capable de prendre ce tir, à part Jésus? Qui d'autre que l'homme qui a forgé sa carrière et sa réputation derrière cette fameuse ligne à 3 points ? Une évidence, le destin. Ce tir de Ray Allen restera le facteur X de la série et l'action des Finales. Un moment que les joueurs ne pourront oublier, d'un côté comme de l'autre. Tony Parker l'avouera quelques temps plus tard lui-même, il n'oubliera jamais et regrettera toute sa vie ce moment là.

Le basket est un sport de mouvement, de contact, de défense, d'attaque, un sport tactique, technique, mais c'est surtout un sport d'adresse. A ce jeu là, Ray Ray est parmi les plus grands. Mais tout de même, si Ray Allen avait eu le poignet qui tremble, le shoot trop long, trop court, les appuis un peu décalés, un mauvais feeling, ou tout simplement que la balle avait roulé sur le cercle sans y rentrer, quelle aurait été la suite de ce game 6 ? de ces Finales ? Pour le Heat ? Pour les Spurs ?

What if Ray Allen avait loupé ce fameux tir ?

Le tir est parti, le rebond est a joué. Bosh, la main heureuse, parvient à récupérer le cuir et est assez intelligent pour envoyer la gonfle à Ray Allen, juste à ses côtés. La balle orange se retrouve dans les mimines de Ray Allen, qui ne se fait pas prier pour prendre son shoot : pas le genre du garçon de s'échapper dans ces moments-là. Allen recule, se plante dans le sol derrière la ligne, se lève. Tony Parker revient comme un dératé en levant les bras pour essayer de provoquer une quelconque gêne. Le tir est parti.

Popovich voit la scène et ne peut s'empêcher de retenir son souffle. Les spectateurs de l'American Airlines Arena ne respirent plus non plus. Devant leur télé, les téléspectateurs ont arrêté de crier, de gueuler, ne gesticulent plus. Tout le monde attend le verdict, le sort jeté. Allen jacta est.

La balle monte haute, tape le bord de cercle opposé, et remonte aussitôt en hauteur. Ginobili est revenu du bon côté et parvient à gêner D-Wade au rebond. La balle est effleurée par les deux joueurs et se retrouve dans les mains de Bobo, placé à proximité. Boris temporise et cherche Tony pour lui confier la gonfle, mais le capitaine tricolore est victime de la faute de Bosh. Les Spurs sont dans le bonus, Babac a deux lancers pour assurer le titre aux siens avec 5.2 secondes de jeu derrière : 1/2 pour Bobo. Le Heat n'a plus de temps mort, essaye de remonter la balle le plus vite possible, trouve un trois-point désespéré de LeBron qui loupe. Buzzer final. On peut respirer ou pleurer si l'on profite de sa retraite paisiblement à South Beach.

Les Spurs ont eu chaud, mais sont soulagés de ne pas avoir tout gâcher. Le Heat a tout donné dans cette dernière minute, mais LeBron et compagnie partaient de trop loin contre ces Spurs. Le shoot de Ray Allen aurait pu changer l'Histoire et la donne, il n'en n'est rien. Les Spurs sont champions NBA pour la 5ème fois en concluant la série 4-2 sur le parquet floridien. Au passage, Tim Duncan décroche à 37ans le titre de MVP des Finales avec plus de 18pts et 12 rebonds de moyenne. Le temps passe mais certaines choses restent.

Après l'euphorie d'un titre, vient forcément le temps des analyses. Les commentateurs sont nombreux a soulevé le même point : et si Ray Allen avait réussi ce shoot à 5 secondes de la fin du match ? La situation est analysée au ralenti des centaines de fois, dans toutes les émissions, par tout le monde. Mais la conclusion est la même chaque fois, oui, le tir est bel et bien manqué par l'un des meilleurs shooteurs de l'histoire de notre sport. Comment ? Pourquoi ? Parce que c'est ça aussi le basket. LeBron, Spoelstra, D-Wade, tous diront que même Ray Allen ne peut pas mettre tous les shoots et que le titre ne se joue pas sur ce détail. C'est vrai, oui, mais ça aurait pu changer pas mal de choses.

Après cette douloureuse défaite par laquelle il est très marqué, Ray Allen, qui arrive doucement sur la quarantaine se pose des questions. L'Histoire a décidé que ce tir ne devait pas rentrer, c'est peut être un signe qu'il faut arrêter là. LeBron, Wade, Bosh, tous venus pour glaner une bague ensemble à South Beach sont vexés d'avoir échouer en Finales NBA, et souhaitent que Ray continue l'aventure avec eux. Pour venger l'affront de perdre le titre sur leur propre terrain et pour retrouver les Finales, Miami se doit de conserver la même ossature, en la renforçant si besoin est. Les trois copains savent bien qu'un shooteur de la trempe d'Allen, ça ne court pas les rues et les free-agency, et c'est pour cela que le forcing est fait pour convaincre Ray-Ray de rester encore un an de plus, en semi-retraite au soleil de Floride dans la bande à Bronbron.

Pendant ce temps, du côté des Spurs, on fête le titre comme il se doit. Babac distribue les Pessac Léognan et Château Margaux d'une main de maître, TP envoie un freestyle en direct du Grand Journal et Kawhi sourit. Avec ce 5ème titre et son titre de MVP des Finales, Duncan, même si ce n'est pas trop le style du bonhomme, vient de tendre un gros majeur à tous ceux le disant trop vieillissant. Si lui ne se pose a priori pas la même question de Ray Allen, en revanche, les rumeurs se font entendre sur une probable retraite. Cette idée serait tout sauf une honte, Timmy venant de gagner un nouveau trophée : une belle sortie en perspective. Oui mais le grand Tim lui, il n'a pas vraiment envie d'arrêter de jouer à la balle orange. Aussitôt gagné le titre, Duncan en veut un autre. Depuis qu'il est dans la franchise texane, Timmy n'a en effet jamais réussi l'exploit d'un back-to-back. C'est ainsi qu'après avoir arrosé le titre avec ses copains dans le Texas et avoir paradé avec un flegme duncanien, Tim répondra en sortie d'interview un très sobre, efficace et simple « Non. » quand les journalistes lui demanderont s'il se sent maintenant près à raccrocher les baskets.

De son côté, Allen a mûri la question. Il doit une revanche à ses coéquipiers, mais également à lui-même. S'il est doté de la grande confiance dont sont titulaires les plus grands shooteurs de l'histoire, il sait toutefois qu'il ne se pardonnera pas d'avoir loupé ce tir crucial au game 6 tant qu'il n'aura pas participer à la conquête d'un autre titre NBA. Et honnêtement, une fois passée la période difficile consécutive à la défaite, partir sur un échec comme celui-là serait donner trop de crédit à ceux l'accusant de n'être bon qu'à finir à l'hospice. Ray Allen appelle LeBron et lui confirme sa décision : « En route. ».

Les deux machines que sont les Spurs et le Heat ne vont pas faire de très gros mouvements pendant l'été et garderont la même ossature. L'esprit est le même : on ne change pas une équipe qui peut gagner. Quelques ajustements tout au plus, et c'est tout, pas d'énormes signatures. Côté Spurs, ce n'est pas le genre de la maison. Côté Heat, on stabilise au maximum.

La saison démarre tranquillement pour les deux gros favoris aux Finales NBA. Au terme du premier mois de compétition, Spurs et Heat sont dans le top 3 de leur conférence, sans trop forcer leur talent et en prenant petit à petit le rythme de croisière des équipes qui iront en playoffs sans forcer. A Noël les choses sont déjà plus ou moins rentrées dans l'ordre. Le Heat plane désormais sur la conférence Est, tandis que les Spurs sont à la deuxième place de l'Ouest derrière le Thunder. Au All-Star Break, les deux écuries sont maintenant installées aux premières places de leur conférence respective.

Côté Miami, la domination du Big Three sur le reste des adversaires semble encore plus forte que l'année précédente. LeBron James enchaîne de très grosses performances, enchaînant durant le mois de décembre une série de 5 matchs avec plus de 35pts et 15 passes décisives de moyenne, se posant ainsi logiquement en favori indiscutable pour le titre de MVP de la saison. Derrière le King, Wade reste le chouchou du public floridien et n'a rien à envier à son pote niveau statistique. Clutch et plein de sang-froid dans le money-time et dans les rares matchs où le Heat sera accroché, Flash va se poser en roi du 4ème QT dans cette saison 2013-2014 qui pue le sentiment de revanche en Floride. De son côté, Ray Allen squatte le 5 majeur encore et toujours avec un temps de jeu réduit certes, mais une présence qui est toutefois importante pour l'effectif floridien. Jésus met ses shoots, ses lancers, et plante quelques banderilles assassines quand il le faut. Ray Allen ne regrette pas son choix d'avoir continué à fréquenter les parquets une saison de plus, d'autant plus que Spoelstra parvient à gérer ses cadres et n'hésite pas à mettre le vétéran sur le côté lorsque les matchs s'enchaînent.

Pour ce qui est des Spurs, si une franchise est bien capable de ne pas s'enflammer après un titre NBA pour se reconcentrer aussitôt sur un nouveau titre, c'est bien la franchise texane. Après avoir décroché le titre au nez et à la barbe et aux cheveux de LeBron, coach Pop a su garder ses troupes concentrées avec l'appui de l'expérience qui émane naturellement du groupe. Avec quelques ajustements et apports de second rang l'été, les Spurs ont continué à développer un basket très, très, très huilé, trop pour certains. Le collectif texan semble à son apogée et Popovich est dès le mois d'octobre obnubilé par l'idée de ne pas fatiguer ses joueurs, encore plus après un titre, un été de compétitions européennes pour son meneur, et avec des cadres vieillissants. Seul joueur sur lequel Pop s'autorise des folies ? Kawhi Leonard. Le jeune joueur des Spurs passe une étape supplémentaire dans son objectif de marcher sur tout le monde, devient une arme de plus en plus redoutable offensivement tandis qu'on lui attribue maintenant sans discussion le titre de défenseur numéro 1 sur les lignes extérieures.

La première opposition entre le Heat et les Spurs donne évidemment lieu à une grosse hype, retrouvailles des deux finalistes oblige et match de Noël en prime. A ce jeu-là, Popovich est indétrônable. San Antonio gardera aux frais Duncan, Kawhi et Ginobili, seul Parker ayant droit de participer à la joute texano-floridenne. Évidemment, les fans crient au scandale, les Spurs récoltent une amende record en conséquence, la télévision nationale gueule, et le coach texan s'en fout royalement. Miami aussi à vrai dire, au fond. On se retrouvera en Finales, c'est tout.

Miami et San Antonio se qualifient en playoffs avec 3 ans d'avance sur tous leurs concurrents. Premiers de leur conférence, plus de 60 victoires pour chacun, bref il n'y a pas de débat dans la Ligue pour savoir qui domine le game NBA pour cette saison 2013-2014. Place aux playoffs, la saison des deux écuries XXL va enfin pouvoir commencer.

Pour le premier tour, Miami affronte les Hawks. Fin de saison difficile pour les Faucons, qui descendent à la 8ème place et se donnent le droit de se faire éliminer par le Heat en 4 matchs secs. LeBron aime trop Atlanta, tout le monde le sait, et pourtant le King ne va même pas forcer pour sortir de ce premier tour. L'adversité est trop faible pour le Heat, qui file en demi-finale de conférence. Après Faucons d'Atlanta, ce sont les Dinosaures du Canada qui se dressent devant la bande à Pat Riley. On monte en gamme dans cette série et cela va se ressentir. Un peu. Les dinos résisteront lors des deux premiers matchs, qu'ils perdront de moins de 6 points à chaque fois, avant de gagner le game 3 à domicile devant un public canadien surchauffé. Toutefois, les efforts seront vain pour le roster de Dwyane Casey qui craqueront devant le talent du Big Three floridien. 4-1, même les troisièmes de la conférence ne suffisent pas. Si ce n'est pas le troisième, alors peut être que le deuxième fera l'affaire.

Miami-Pacers, c'est le programme de la Finale de conférence à l'Est. Un choc que tout le monde attend car d'une part il oppose les deux premiers de la conférence, mais d'autre part aussi et surtout car il oppose LeBron James à son alter-ego cette saison à l'Est, son concurrent, au même poste en plus, qui s'est mis lui même en concurrence avec le King : Paul George. Les stars sont là, la hype est là, la scène est dressée, il y a plus qu'à.

Du côté de la conférence Ouest, les Spurs entament leur playoffs avec un duel face aux Grizzlies. Contrairement à leur homologue de la côté Est, le premier tour ne sera pas une formalité pour les Spurs, qui vont avoir à faire à une équipe de Memphis très accrocheuse et rugueuse. Mais les Spurs ont cette année un collectif qui semble encore un cran au-dessus qui permet aux Texans de pratiquer un basket offensif où le danger vient de partout et d'un mouvement de balle rarement vu précédemment. Vainqueurs 4-2, les Spurs s'offrent une demi-finale de conférence contre Chris Paul et les Clipps, qui semblent avoir les armes pour faire douter cette équipe de San Antonio, en ayant des points forts là où les Spurs sont limités. Certes, mais l'inverse est aussi vrai. Avec un banc qui n'a pas le quart du talent de celui des Spurs, les Clippers vont couler malgré les grosses performances de Blake Griffin. Chris Paul n'ira pas non plus en finale de conf' cette année, et les Clippers prennent une bonne grosse gifle dans le jeu et dans la tête, 4-1. En finale de conférence, les Spurs retrouvent le Thunder. Ici aussi vont s'affronter les deux premiers de la conférence Ouest. 

Présentant les mêmes armes physiques mais aussi les mêmes défauts que les Clippers, Oklahoma va être éliminé sans remords par les Spurs, en réussissant toutefois l'exploit d'aller voler un match aux Spurs et de mener 2-1 en remportant le game 3. Mais les Texans reviendront plus fort de ces deux défaites et KD sera éteint par un étincelant Leonard, qui aura activé le mode Avion sur l'ailier du Thunder lui rendant la vie infernale. Les Spurs, comme prévus, accèdent aux Finales NBA. .

Le Heat et les Pacers vont se livrer de leur côté une vraie bataille en 7 matchs. Indiana sera porté par un Paul George évoluant à un niveau de demi-Dieu sur la série en portant derrière lui tout le roster des Pacers. Avec un buzzer-beater au game 6 sur un tir à 3 points en ficelle sur la tronche de LeBron, PG arrache un ultime match 7. Le duel tant attendu entre les deux mastodontes que sont PG et LeBron ne déçoit pas les fans et le jeu. Les deux ailiers se rendent coup pour coup, et après un game 1 en forme d'observation entre les deux joueurs, Paulo et BronBron salissent les lignes de stats dans toutes les catégories. LeBron qui jouait sur la réserve depuis le début des playoffs prend le leadership du Heat dans les moments cruciaux, jouant meneur de jeu s'il le faut pour chauffer ses potes Wade et Bosh. Paul George en face lui rend la vie dure, mais c'est bien le King qui triomphera lors du game 7 et qui accordera aux siens une revanche contre les Spurs en Finales NBA.

Et Ray Allen dans tout ça ? Durant ces playoffs, Ray ne verra le terrain que lors du 2ème tour, étant victime d'une sale entorse en fin de SR qui mettra du temps à se soigner. Une fois son retour acté, il restera dans ses standards habituels, scorant une quinzaine de points si les shoots lui sont laissés ouverts, et plantant encore et toujours des flèches derrière l'arc qui donneront parfois de l'air au Heat, notamment lors de la série folle les opposant aux Pacers. Avec le retour du Heat en Finales contre les Spurs, Ray Allen ne pouvait rêver meilleur scénario. S'il a accepté de repartir à l'aventure il y a moins d'un an aux côtés des Tres Amigos, c'est pour revivre ce moment où son tir n'est pas rentré, et pour conjurer le sort en s'offrant un nouveau titre.

Avant le début de la saison, tous les observateurs étaient d'accord et convenaient ensemble que les prochaines Finales NBA se dérouleraient entre Spurs et Heat. Lors de la saison, rien n'est venu remettre en cause ses pronostics, la faute à la sur-domination des deux franchises sur leur conférence respective. L'opposition en 2013 était déjà visible entre les deux effectifs, et elle semble s'être accentuée un an après.

D'un côté, les Spurs naviguent depuis plus de 90 matchs grâce à une machine soigneusement entretenue par le capitaine Popovich, qui sait son équipage vieillissant mais plein de ressources. Dans cet équipage, il a su responsabiliser plus qu'avant son jeune matelot Leonard, plein de talent, qui continue de grandir et d'apprendre aux côtés des vieux marins que sont Duncan, Gino et Tony, qui connaissent bien la route. Lors d'un voyage, si un matelot flanche, un autre sera là pour compenser, et s'il arrive au navire noir et blanc de vaciller, il ne flanche jamais. De l'autre, Miami mène un train d'enfer, guidé par un chef de gare rempli d'une envie irrépressible de vengeance. A ses côtés, ses deux plus fidèles contrôleurs Bosh et Wade n'hésitent pas à mettre à l'amende tous ceux qui poseraient des problèmes au TGV qu'est le Heat. L'équipe est rodée et connaît le chemin, et même les agents d'entretien comme Ray Allen ne laisseront pas les turbulents secoués trop fort le train du Heat en marche vers le titre. Deux machines prêtes à la guerre pour obtenir le titre, voilà le tableau de ces Finales NBA 2014.

Avant le premier match de la série, tout le monde se remet en tête les Finales 2013 remportées par les Spurs après les dernières minutes folles d'un game 6 qui pèsent encore dans toutes les têtes floridiennes, joueurs ou fans. Les images ressortent et les saisons de chaque finaliste sont passées au crible. Impossible pour les deux franchises d'ignorer les points forts et faibles de leur adversaire, les deux rivaux se sont observés toute la saison du coin de l'oeil en vue de ces éventuelles Finales. Les plans de jeu sont prêts, mais quand commencent les Finales NBA, tout est remis à zéro.

Les Spurs ont l'avantage du terrain, avec un bilan en régulière de 66 wins contre 62 pour les Cavs. Game time.

Lors du premier match, les Spurs se font surprendre. LeBron et compagnie arrivent dans le Texas avec la détermination d'un JR Smith défié au beer-pong et ébranlent le collectif de San Antonio en s'imposant de 8 points. Après ce game 1, le Heat reprend l'avantage du terrain. Mais les Spurs ne resteront pas sans réagir et lors du deuxième match de la série, le Texas va éteindre le soleil de Floride. Avec 7 joueurs qui scorent plus de 10 points lors de ce match, la force de frappe collective des Spurs freine en pleine course le Big Three du Heat qui prend une belle gifle : 115-96, une leçon.

Après les deux premiers matchs, les avis sont partagés. D'un côté le Heat repart en Floride à 1-1 et a réussi à reprendre l'avantage du terrain. De l'autre, la leçon donnée par les Spurs au game 2 face au Big Three dans tous les compartiments du jeu sèment le doute sur la capacité du Heat à battre ces Spurs-là. C'est le game 3 qui aura la responsabilité de trancher en faveur de l'une des options. Si lors des deux premiers affrontements les matchs n'avaient pas donné lieu à une bataille acharnée, le game 3 s'en chargera. Les Spurs, ravivés de confiance après leur performance collective, arrivent en Floride avec l'intention de récupérer l'avantage du terrain pour essuyer l'affront de la défaite initiale à domicile. Mais le Heat va tenir tête au navire noir et blanc. Alors que les deux équipes se retrouvent en prolongation, et que Lebron est en passe de poser un match de mammouth, la lumière viendra de Jésus et d'un oiseau. Ray Allen se montrera déterminant en prolongation en envoyant deux ficelles dans le corner donnant 8 pts d'avance au Heat en moins d'une minute. L'oiseau ? Birdman, évidemment, qui apportera toute son énergie pour suppléer Bosh dans la raquette et pour faire déjouer Duncan dans cette prolongation. Le Heat remporte le game 3 grâce à ses seconds couteaux, on croirait voir les Spurs.

Peu de gens voyaient le Heat mener 2-1 après les trois premiers matchs, et pourtant dans le sillon d'un Big Three qui évolue à son meilleur niveau, c'est bien le cas.

Le game 4 en point de mire, les Spurs n'ont plus qu'une chance de récupérer l'avantage du terrain en s'imposant au Heat, et comptent bien la saisir après avoir laissé filer le game 3. Avec une équipe revitaminée et une remise en question collective, les Spurs entament le game 4 pied au plancher, en menant de 15 pts à la mi-temps. La faute à un Kawhi Leonard qui s'est mis en mission sur King James après avoir été trop permissif lors des trois premiers matchs. Le duel entre le DPOY et le MVP de la saison régulière devient alors le duel de la série lors de ce game 4. Kawhi rend la vie infernale à LeBron qui tombe dans ses travers et force les choses, laissant aux Spurs la possibilité de développer leur jeu tranquillement de l'autre côté du terrain. Malgré les efforts de Wade pour tenter de ramener les siens, les Spurs domineront également la seconde période et game 4 est ainsi la copie conforme du game 2. Les Spurs font trembler South Beach et Popovich se permet même de finir le match avec son équipe de coupeurs de citrons. +20 pour les Spurs, 2-2, retour dans le Texas

Côté Heat à l'issue des 4 premiers matchs, le bilan est mitigé. LeBron a été inarrêtable sur les trois premiers matchs et a connu un coup de moins bien dans le game 4. Wade apporte sa vingtaine de points tous les soirs mais avec un pourcentage aux tirs très irrégulier pour une Finale NBA. Bosh tente tant bien que mal de remporter son duel avec Duncan mais produit des stats moindre que sur le reste des playoffs. Les seconds couteaux ont permis de remporter le game 3, mais lorsque les rotations se mettent en place, on sent que l'effectif floridien prend un sévère coup de moins bien dans le jeu. Côté Spurs, les forces et faiblesses sont également bien identifiées. Le collectif lorsqu'il est mis en route parvient à faire déjouer le Heat sans aucun soucis, en atteste les matchs remportés, chaque fois avec une classe d'écart. Toutefois, le saut de concentration du game 1 reste inexpliqué et le game 3 échappe aux Texans en prolongation avec un Duncan qui souffre face aux assauts de Bosh et même du Birdman après de nombreuses minutes sur le parquet. La dynamique n'a pas encore choisi son camp.

Pour le match 5, Popovich veut un réveil des siens, une continuité et surtout les Spurs ne veulent pas laisser filer un deuxième match filer à domicile. Ce réveil sera salvateur pour San Antonio, qui sera porté par un Tony Parker de feu qui enverra 29 points, meilleur total d'un joueur des Spurs dans ces Finales, détonnant dans le paysage très collectif des Spurs. Les jambes de feu de TP auront raison de Chalmers, point faible du 5 majeur du Heat pendant que Kawhi et LeBron donneront encore aux spectateurs un duel de feu attaque-défense sur les trop nombreuses isolations de King James. Porté par TP et Kawhi et toujours avec l'appui d'un banc taille patron avec un Ginobili qui apportera 15 points en sortie de banc, les Spurs confirment leur game 4 remporté au Heat en enchaînant une seconde victoire de suite dans ces Finales, 3-2 pour les Spurs.

Le match 6 sera le dernier de la saison, quoiqu'il arrive, à l'American Airlines Arena. Avec des Spurs menant 3-2 et un game 6 à Miami, des images fortes ressurgissent forcément. Il y a un an quasiment jour pour jour, le Heat tentait un comeback de folie dans la dernière minute du fameux match, Ray Allen loupe son tir, Boris met un lancer, LeBron loupe à son tour, les Spurs gagnent, Duncan devient MVP des Finales, … Des images lourdes pour la franchise de Pat Riley. L'occasion d'effacer celles-ci se présentent aujourd'hui.

Avant le match, Ray Allen comme à son habitude enchaîne les séries de shoots depuis différents spots. Dans ces Finales, mise à part le game 3 où ses banderilles feront gagner Miami, Ray-Ray ne pèse pas autant qu'il le voudrait et que le voudrait le Heat. Son shoot est toujours là mais devant le rythme et l'intensité proposé par le duel, il ne parvient pas à suivre le tempo et est souvent largué en défense notamment sur Danny Green qui virevolte entre les écrans et lui vole la vedette pour le titre de meilleur shooteur des Finales 2014. Toutefois, Ray Allen attend son heure et se tient prêt à réussir, cette fois, le shoot qu'il faudra quand il le faudra. L'Histoire dira si ce moment viendra.

Le game 6 débute dans une ambiance survoltée à South Beach, où le public tout de blanc vêtu attendant lui aussi ce moment depuis un an. Un an que South Beach se ronge les ongles en repensant à ces Finales 2013, et un an que Lebron, Wade et compagnie ont coché cet éventuel rendez-vous sur le calendrier. A la fin du 1er QT, les deux équipes se tiennent tête dans un début de match très rude, avec un rythme très élevé ponctué de défiance entre les joueurs de deux équipes. On sent le Heat revanchard comme jamais il ne l'a été durant ces Finales. Si Miami reste dans la course, c'est grâce à un énorme Big Three qui aura totalisé l'ensemble des points de l'équipe lors de ce premier acte : 8 pour LeBron et Wade, 11 pour Bosh. Mais en face la qualité collective du groupe texan tient le choc et les deux équipes démarrent le 2ème QT sur le même rythme. Un rythme élevé ? A la longue, c'est Miami qui en profite et prend un petit avantage de 6 points à la mi-temps.

A la MT, les vestiaires des Spurs grondent, Pop n'est pas content. La défense texane est trop permissive et à la longue sur un tel rythme, les Spurs ne peuvent pas rivaliser avec les sur-athlètes floridiens. Ralentir le rythme d'un côté pour jouer sur demi-terrain, continuer à accélérer de l'autre pour faire craquer les Spurs.

La deuxième MT commence et le Heat est pied au plancher. LeBron envoie une passe de quaterback à Wade qui lâche son tomar en contre-attaque, et les rôles s'inversent sur l'action suivante : le Heat atteint la barre des 10pts d'écart. Popovich prend un temps mort seulement 1m30 après le début de la seconde période. Si les murs du vestiaire texan n'avait pas assez tremblé à la mi-temps, sur ce temps mort ce sont les murs de la salle qui sont proches de s'effondrer. Popovich rentre dans la gueule de ses joueurs, tandis que de l'autre côté, Spoelstra garde ses joueurs dans la même optique de jeu.

L'effet Kiss Cool du temps mort de Pop ne va pas tarder à se mettre en place. Après un 3pts de Green sur une interception de Kawhi et un jeu en transition rondement mené, les Spurs trouvent Duncan pour un 2+1 après un mouvement de balle d'école qui permet à Bobo de trouver sa légende vivante esseulée sous le panier et victime de la faute en retour d'Haslem. De +10 à +4, c'est au Heat cette fois de demander une pause.

La défense texane remise en place, le Big Three commence à peiner en attaque. C'est à ce moment-là que Spoelstra décide de sortir Ray Allen de sa boite. Ce dernier va en 2min se rendre responsable d'un triple dans le corner droit, d'un caviar pour Wade et se permet de conclure le QT avec 2 lancers. Ce passage-éclair tout en finesse de Ray-Ray permet au Heat d'entamer le 4ème QT avec une marge de 8 pts d'avance.

Dans le 4ème QT, le stress commence à se faire ressentir dans les travées de l'AAA et pour cause : soit le Heat parvient à arracher un game 7, soit les Spurs sont à nouveau champions NBA. L'écart de 8 points va se stabiliser lors des 4 premières minutes de ce QT, avant que Popovich ne remette en selle son 5 majeur, qui a désormais 8 minutes pour remonter le déficit accumulé.

C'est alors un autre facteur X, un peu oublié dans cette série bien qu'alignant 14pts et 13 rebonds de moyenne sur les PO, qui va sortir de sa boîte : Tim Duncan. Le vieux texan va être la priorité numéro 1 des attaques texanes, et va enquiller les paniers avec une facilité déconcertante face à un Chris Bosh impuissant. Mué à 5 petits points jusqu'alors, Duncan va en comptabiliser 8 en seulement 3 minutes, permettant de ramener les Spurs à -1 à l'aube du moneytime. Un passage-éclair partout pour Ray Allen et Tim Duncan, les vieux sont dans le coup.

A l'approche des 3 dernières minutes, le Heat a vu son matelas rétrécir sous les coups répétés des Texans. Le Big Three va alors tenter de reprendre les choses en main. LeBron, Bosh et Wade vont tour-à-tour scorer, mais en ils trouveront en face un trio Parker-Leonard-Ginobili qui saura leur répondre sur chaque attaque.

A moins de 2 minutes du buzzer final, Chalmers se sent poussé des ailes et tente d'envoyer un alley-oop à Bosh en pénétration. Les mains XXL de Leonard, venu en aide, parviennent à détourner la balle qui est récupérée par ce dernier, qui transmet aussitôt à TP. Parker remonte la balle côté gauche, voit Haslem en défense de transition et décide d'aller le fixer. On connaît la chanson : je vais à gauche, tu viens avec moi, spin-move, et deux points. Tony va à gauche, fixe Haslem, fait son spin, et au dernier moment change son lay-up à l'approche de l'ombre de LeBron, décrochant une passe caviardisée à Danny Green, qui attendait sagement dans le corner opposé. Green s'élève, décroche son shoot, et score. A 1min30 de la fin de ce game 6, les Spurs passent à +2. Un match qui bascule sur un shoot, ça ne vous rappelle rien ? Momentum.

A +2 avec une minute à jouer, les Spurs savent qu'avec un stop sur la prochaine défense, leur chance de voir une sixième bannière au plafond augmentent fortement. Suite au temps mort pris par Spoelstra, le Heat parvient à trouver Bosh dos au cercle face à Duncan. Le gaucher joue son duel, et c'est alors que Ginobili décide de venir dans le dos de l'intérieur pour aider le grand Tim. L'Argentin réussit à choper la balle devant un Bosh médusé qui crie au scandale et à la faute. Derrière et en transition, Manu trouve parfaitement le grand Tim qui vient planter un hook sur la tête d'Haslem impuissant. Les Spurs sont à +5 avec moins de 25 secondes à jouer. Champagne ?

Pas cette fois. Marqués par la peur qu'ils ont eu en 2013, les Spurs ont appris de leur erreur et laisse le Heat remonté la balle avant de faire faute sur LeBron avant que ce dernier ne puisse mettre en place quoique ce soit. Le King est sur la ligne des lancers et ne tremble pas : 2/2. Avec 20 secondes à jouer et +3 pour les Spurs, le jeu des fautes s'enchaîne. Tony est envoyé sur la ligne : 1/2. Sur la possession suivante pour le Heat, les Spurs décident de laisser le temps coulé. LeBron remonte la balle et trouve Wade sur une première intention qui envoie une bombe à trois-points qui sera malheureusement pour le Heat trop courte.

Le buzzer se déclenche alors. Les Spurs décrochent leur deuxième titre consécutif. Une nouvelle fois, le Heat échoue. Les Spurs réussissent un back-to-back si rare et si fort, puisqu'ils auront triomphé deux fois en terre étrangère. Le Heat est dévasté, la Floride entre en dépression.

La fête bat son plein côté texan, on fête le titre et le premier back-to-back de l'Histoire de la franchise, on passera sur le bordel pour désigner un Spurs MVP des Finales (honneur qui reviendra finalement à Kawhi Leonard). Après avoir réussi son pari, les rumeurs sur la carrière de Duncan se ravivent. Que les fans se rassurent, Tim est satisfait de ce qu'il a accompli, mais il en a encore sous le pied et reviendra l'an prochain.

Côté floridien, les têtes sont lourdes. Dans l'analyse de la défaite, tout se concentre sur les deux dernières minutes du game 6 et sur une action fait débat entre les fans des Spurs et du Heat : Ginobili a-t-il fait faute lorsqu'il chope la balle à Bosh pendant qu'il jouait son duel ?

Bien sûr que non diront les uns, évidemment que oui diront les autres. Mais une chose ressort de la scène, une chose frappante. Lors de l'interception de Ginobili, un joueur est laissé seul par l'Argentin dans le corner opposé. Ce joueur ? Ray Allen. Esseulé, sans personne devant lui, levant les bras au ciel, prêt à remplir son contrat, à justifier son retour, à se racheter de l'an dernier, à mettre le bon tir au bon moment. Mais Bosh, trop occupé à vouloir se faire de la place près du grand Tim ne le voit pas et est surpris par l'arrivée de l'Argentin. Et une question se pose alors : et si Ray Allen avait eu la balle dans ses mains à ce moment-là ?

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